Les 8 conseils écriture de Miyamoto Musashi, le dernier grand samurai !|Paul Hartzuri

ECRITURE

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SAMURAI

Les 8 conseils écriture de Miyamoto Musashi, le dernier grand samurai !

Une relecture du Traité des 5 roues

Paul Hartzuri, le 27 juillet 2016

Pour ceux qui ne connaissent pas le personnage, Miyamoto Musashi (1584?-1645) est probablement le dernier grand samurai et épéiste de l’histoire du Japon. Selon les sources, Musashi aurait remporté plus de 60 duels au cours de sa vie sans n’en perdre aucun. Son opposant le plus célèbre fut surement Sasaki Kojiro, l’autre légende du siècle, qu’il a défait au cours d’un affrontement historique avec pour seul et unique arme un bokken (épée de bois) taillé dans une rame de barque. Tout ça pour vous dire que l’homme n’était pas ordinaire.

Maintenant que vous en savez plus sur ce personnage légendaire, vous vous demandez surement où je veux en venir avec le titre de cet article : aucun rapport avec l’écriture au premier abord. Détrompez-vous, Musashi était certes un épéiste et stratège sans égal mais ce fut aussi un poète, calligraphe et peintre reconnu. C’est là que l’on se demande : Comment a-t-il pu prospérer dans autant de domaines différents ?

Si l’on en croit l’homme, tout se résume à un code de conduite extrêmement strict dont il n’a pas fait secret puis qu’il y consacre l’intégralité de son Traité des cinq roues. C’est un texte philosophique majeur dans lequel il expose les préceptes qui ont guidé sa voie et qui forment sa philosophie de vie.
Comme promis voici donc les 8 préceptes qu’il expose dans son Traité des cinq roues pour qui veut devenir un maitre dans son art. Tout ça est bien sûr interprété à ma sauce pour coller plus spécifiquement au domaine de l’écriture.

1. Éviter toutes pensées perverses.

La pensée perverse prend bien des formes, elle touche en général l’écrivain qui analyse son idée, son plan ou le début de son œuvre ; l’écrivain qui, au lieu de continuer d’écrire, s’arrête et contemple les premières pages qu’il a écrites ou à défaut, une page blanche. Ici Musashi évoque toutes ses pensées qui viennent parasiter l’acte créateur : « Est-ce que mon travail va plaire ? est-ce que je vais réussir ? Suis-je légitime ? Serais-je un jour célèbre ? »

Pour lui, il faut éviter ces questions stériles et se concentrer sur la tâche que l’on doit accomplir quotidiennement. Il faut éviter de faire des projections car elles sont contreproductives et vaines. Elles nous détournent du véritable sujet de notre étude. Ce qui doit occuper nos pensées, c’est le perfectionnement de l’œuvre comme fin en soi. L’égo n’a pas sa place pendant le processus d’écriture. Garder ce précepte en tête c’est ne pas oublier que ce qui importe c’est d’écrire. Devenir créateur, c’est accepter de créer pour le seul fait de créer. Tout le reste, n’est que vanité.

2. Se forger dans la voie en pratiquant soi-même.

Musashi met ici l’accent sur la pratique directe, une pratique qui se doit d’être assidue et pragmatique. L’écriture s’apprend en écrivant pas en épluchant des livres sur l’écriture ou en lisant des blogs:
« Il faut pratiquer soi-même et non par le jeu des idées » déclare Myamoto Musashi.

Pour lui il n’y a pas de doute à avoir, la pratique forge l’homme et c’est en se trompant, en tâtonnant et en se corrigeant que l’on avance sur la voie. L’écriture, comme tout art, est une pratique solitaire et laborieuse qui met du temps à porter ses fruits. Il faut garder cela à l’esprit et continuer d’avancer inexorablement sans se poser de question.

3. Embrasser tous les arts et non se borner à un seul.

Embrasser tous les arts c’est chercher l’inspiration là où elle se trouve, même dans les endroits les plus incongrus. Plutôt que de céder au jugement de valeurs, de critiquer une forme ou un style, il faut plutôt se concentrer sur ce que cette forme, ce style peut nous apporter en tant qu’écrivain. Entrecroiser les arts c’est fertiliser son imagination. Alors pour devenir un écrivain accompli, il faut certes lire, mais je dirais qu’il faut aussi regarder des films, aller voir du côté de l’animation, de la bande-dessinée, de l’opéra, visiter des exposition, jouer à des jeux-vidéos, s’intéresser aux arts régionaux et j’en passe ....
Plus on lance loin notre filet, plus la pêche sera prolifique. C’est en sortant de sa zone de confort en allant voir et lire des œuvres qui nous semblent exotiques que l’on développe un univers qui nous est vraiment propre et qui pourra subjuguer le lecteur.

4. Connaître la voie de chaque métier, et non se borner à celui que l’on exerce soi-même.

Musashi glorifie ici le travail de recherche et de préparation qui précède nécessairement la maitrise d’un art. Pour Myamoto Musashi chaque métier, chaque voie a sa propre philosophie de vie. Pour lui rien n’est inutile, toute occupation, quelle qu’elle soit, renferme un enseignement qu’il faut s’efforcer de percer. Pour l’écrivain l’application de ce précepte est simple, pour créer une œuvre réaliste, touchante qui transcende son expérience, il lui faut comprendre et rechercher ce qui fait la spécificité des activités qu’il décrit.

Quel est l’enseignement profond qui sous-tend un métier, une occupation, un mode de vie ou de pensée ? Voilà la question que doit percer l’écrivain et ce avant même de commencer à écrire. Il doit comprendre et approfondir le sujet qu’il aborde. On ne peut pas écrire sur ce que l’on ne connait pas, mais on peut faire des recherches pour parler d’un sujet qu’on ne maitrisait pas avant.

5. Savoir distinguer les avantages et les inconvénients de chaque chose.

Ce précepte que Musashi évoque ici dans un souci stratégique, revêt une importance toute particulière dans l’écriture. Ici, il parle de la nécessité d’apprendre à distinguer les avantages et les inconvénients de chaque position, d’essayer de comprendre comment d’autres personnes qui pratiquent d’autres disciplines fonctionnent et de faire preuve d’empathie. Être écrivain c’est écouter et comprendre en se retenant de critiquer. Pourquoi telle personne pense ainsi ? Pourquoi une autre aura un point de vue différent ? Quels sont les facteurs qui influencent sa vision du monde ? Il faut comprendre quels sont les points positifs et les points négatifs de chaque situation pour insuffler une vie crédible à nos personnages et à notre univers. Pour cela, il faut abandonner pour un temps ses convictions et entrer dans la peau du contradicteur pour mieux le comprendre et pour saisir les fondements de sa position sans jugement moral.

6. En toutes choses, s’habituer au jugement intuitif.

Ici il fait référence à l’instinct, à l’intuition que doit canaliser l’écrivain. Parfois il faut aller avec ses tripes et prendre une décisions parce que l'on sent que c'est la bonne. C'est ainsi qu'on se forge un style et une identité propre. Parfois il faut se faire confiance.

C’est aussi vrai pendant la phase de réécriture. Il faut toujours faire confiance à son intuition. Si en relisant, l’écrivain sent, dans ses tripes, que quelque chose ne va pas, il y a fort à parier que le lecteur lui aussi le sentira. Il faut faire les choix qui s’imposent à nous quand on sent intuitivement qu’il y a un problème. La décision peut parfois être difficile, comme effacer l’intégralité d’un chapitre, remanier un personnage ou tout simplement supprimer cette phrase dont on est si fier, pourtant elle doit être prise pour restaurer l'harmonie de l'œuvre.

7. Prêter attention au moindre détail.

Après l’écriture d’un premier ou d’un deuxième jet, la lassitude s’empare de l’écrivain qui est tenté d’envoyer directement son manuscrit sans avoir poli son œuvre. C’est compréhensible : après une longue période courbée sur un texte, l’excitation se dissipe et la lassitude gagne du terrain. On est tenté de vouloir passer à autre chose et de se lancer dans un projet plus excitant car encore plein de vitalité et de fraicheur dans sa nouveauté. Pourtant c’est à ce moment qu’il faut se faire violence.

Sans forcément tomber dans un perfectionnisme malsain, il faut s’assurer que le texte a atteint son plein potentiel, qu’il est construit sur des fondations solides. Il faut prêter attention à chaque détails pour lui donner une chance d’exister en dehors de notre esprit. C'est un maigre sacrifice pour s'assurer que l'œuvre ne soit pas morte-née.

8. Ne rien faire d’inutile.

Rien ne doit être inutile dans un texte, toute l’intrigue doit tendre vers une idée pour la concrétiser le mieux possible . On peut être content d’un passage que l’on trouve bien écrit, d’un personnage bien brossé ou d’une situation intrigante, si cela ne colle pas avec le reste du texte, il faut mettre son orgeuil de côté et faire les coupes qui s’imposent sans regret.

Quant au processus d’écriture, c’est simple, écrire doit passer avant tout autre chose, il faut mettre de côté les pensées parasites et se mettre devant notre ordinateur, devant notre feuille blanche et écrire. L’écriture demande du temps et de la concentration. Rien ne doit être inutile pour ne pas se perdre en route.

Mais être écrivain c'est aussi professer que rien n'est inutile et que chaque expérience, chaque moment que l'on vit, peut être porteur d'inspiration. Pour peut que l'on fasse vœux de réflexion, chaque instant est porteur d'idée, chaque instant est potentiellement utile. Reste donc à concrétiser ces idées pour ne pas dévitaliser nos instants utiles.

Voilà pour ma relecture du Traité des cinq roue à la sauce écriture. J'espère que l'analyse vous a plu. Si le personnage vous intéresse, je vous conseille fortement de lire La pierre et le sabre de Eiji Yoshikawa qui retrace de façon romancé la vie de ce samurai légendaire. N’hésitez pas à me laisser vos impressions en commentaire, je me ferai un plaisir de vous répondre.

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Qui est Paul Hartzuri ?

Paul Hartzuri est un écrivain irascible qui vit en ermite entre la France et le Japon.
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